Centrafrique : Elle reprend une vie presque normale après un viol à Bambari

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Centrafrique : Elle reprend une vie presque normale après un viol à Bambari

BANGUI, 11 juin 2021 (RJDH)—Agnès (nom fictif), a repris une vie presque normale deux ans après un viol à Bambari où elle vivait avec ses deux enfants. Elle s’est aujourd’hui réintégrée grâce à l’appui multiforme des ONG, des autorités. Elle nous parle de ce qui fait sa vie d’aujourd’hui.

Deux années après le viol qui a failli basculer sa vie, Agnès a repris une vie assez normale. Avec ses deux enfants, elle a regagné Bangui avec l’appui d’une ONG nationale qui ne souhaite pas être citée dans cet article. Agnès reconnait que « surmonter un viol n’est pas chose facile. J’ai failli mettre fin à ma vie parce qu’après, vous avez un grand vide autour de vous », explique-t-elle avec beaucoup d’hésitation.

A Bambari, la survivante était commerçante, « je préparais et vendais des beignets à Bambari lorsqu’un soir en rentrant, des hommes en armes, m’ont enlevée. Durant deux jours, j’ai subi ce que je ne peux expliquer », raconte d’elle avec beaucoup d’émotion avant de lancer, « on peut s’arrêter là ». Il a fallu des heures d’échanger sur d’autres sujets pour que Agnès, d’elle-même reprenne son témoignage en évitant de continuer d’évoquer les circonstances du viol.

« Je suis aujourd’hui agente dans une société de gardiennage où personne ne sait ce qui m’est arrivé », confie-t-elle lorsque ses deux enfants (08 et 11 ans), rentrent de l’école et lui disent bonjour, à tour de rôle avant de rentrer dans la petite maison (une chambre et salon) qu’elle loue dans un arrondissement de Bangui. « Ces deux enfants et mon travail, c’est tout ce que j’ai aujourd’hui au monde et je m’y accroche », nous confie Agnès qui affirme être passée par plusieurs étapes pour apprendre à revivre, « à Bangui, j’ai été prise en charge sanitairement avant de suivre un accompagnement psychosocial. Après j’ai été aidée et encouragée à m’affirmer en pensant à mes enfants, c’est ce que j’ai fait bien que cela ne soit pas facile », explique-t-elle à voix base pour éviter, selon elle, que  ses enfants écoutent.

La vie de Agnès est aujourd’hui partagée entre son travail de gardiennage, son foyer et l’église. De lundi au samedi, elle est au travail après quoi, elle rentre pour s’occuper de ses enfants, inscrits dans une école publique. Cette survivante dit consacrer une partie de sa vie à la prière et aux activités ecclésiales, « c’est grâce à Dieu que je suis encore en vie c’est pourquoi je prends mon repos le dimanche pour aller à l’Eglise et je suis membre de plusieurs cellules de prière », présente Agnès qui note qu’ « aujourd’hui je ne subis plus le viol. Ce n’est pas une fatalité ».

En dehors de quelques réticences, Agnès a une vie presque normale. Toutes questions sur une vie amoureuse, la choquent, « je n’aime pas parler de ce sujet. Les hommes sont tous pareils ». Elle dit éviter la camaraderie, la taquinerie. Lydie Fermalet, responsable de projet Violences Basées sur le Genre (VBG) à l’ONG Association des Femmes Juristes de Centrafrique (AFJC), trouve normales réticences présentées par Agnès, « dans son cas, il faut du temps pour accepter une relation amoureuse et cela personne ne doit la forcer. Cette attitude est tout à fait normale après un viol subi » explique-t-elle.

Pour l’AFJC, Agnès est un modèle, « elle a encore du chemin à faire mais déjà, le fait de reprendre une activité et accepter sa situation, sa vie devient un témoignage, une histoire à raconter pour aider celles qui se cachent et qui croient avoir déjà tout perdu en subissant un viol », reconnait Lydie Fermalet qui dit chercher à convaincre Agnès pour qu’elle « accepte de parler d’elle aux autres survivantes ». Interrogée sur ce projet, la survivante reste très longtemps silencieuse avant de lancer, « je suis mieux dans le silence ».

Agnès est l’une de nombreuses survivantes des violences sexuelles liées au conflit que compte la République Centrafricaine. Même s’il est difficile d’avoir des données précises sur le nombre des survivantes de ce que la ministre des Affaires Sociales qualifie de « fléau », la crise généralisée a favorisé la montée en puissance des Violences Sexuelles dans le pays en général et dans les zones sous contrôle rebelles en particulier.

Dans un de ses rapports, le CICR a noté avoir enregistré hebdomadairement au moins 25 cas dans les trois centres de prise en charge qu’il entretient dans trois villes du nord-est tandis qu’en 6 mois, le projet Togolo développé par Médecin Sans Frontière (MSF) à Bangui et ses environs, a enregistré 1763 survivantes des violences sexuelles que condamne la résolution S/RES/1820 et par le code pénal centrafricain en ses articles 87 et 88./Ketsia Kolissio

RJDH

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