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Centrafrique : « Pour réduire la vulnérabilité des PVVIH, il faudra former des patients experts », dixit Bienvenu Gazalima du RECAPEV

Centrafrique : « Pour réduire la vulnérabilité des PVVIH, il faudra former des patients experts », dixit Bienvenu Gazalima du RECAPEV

Centrafrique : « Pour réduire la vulnérabilité des PVVIH, il faudra former des patients experts », dixit Bienvenu Gazalima du RECAPEV

BANGUI, 23 octobre 2020 (RJDH)–L’avènement du coronavirus a ralenti l’élan de lutte contre le Sida en Centrafrique, alors que les personnes vivant avec le VIH doivent éviter de tomber dans une situation de coïnfection et de comorbidité. Pour lutter contre la vulnérabilité des PVVIH, le coordonnateur du Réseau Centrafricain des Personnes Vivant avec le VIH (RECAPEV) plaide dans une interview exclusive pour que la lutte contre le VIH-Sida ne souffre pas d’abandon en cette période de coronavirus et que les patients doivent devenir des experts pour suivre leurs pairs.  

RJDH : Monsieur Bienvenu Gazalima, vous êtes coordonnateur RECAPEV, Bonjour

Bienvenu Gazalima : Bonjour monsieur le journaliste

RJDH : Monsieur le coordonnateur, est-ce que la pandémie du coronavirus a-t-elle freiné l’élan de lutte contre le VIH-Sida en Centrafrique.

Bienvenu Gazalima : Merci pour cette pertinente question. Même en temps normal dans notre pays, les gens ne parlent pas assez du Sida. Du moment où il y a la pandémie du coronavirus qui vient nous surprendre, aujourd’hui les gens ne parlent que de cette pandémie. C’est normal puisque c’est une nouvelle pandémie mais il faut aussi mettre en lumière le VIH-Sida. Il faut mettre cote à cote ces deux pathologies pour mieux faire la lutte. Nous entendons parler beaucoup de covid-19 sans faire du VIH-Sida, cela reste un défi à relever par la Centrafrique.

Donc, si nous  voulons avoir une réponse fiable à la lutte contre la covid-19, il faut intégrer le VIH-Sida parce que c’est un virus très dangereux. Si nous ne faisons pas attention, d’ici demain, quand le Covid-19 va finir, le Sida va rebondir.

RJDH : En Centrafrique au moins 110.000 personnes vivant avec le VIH-Sida (PVVIH) sont dans une situation de vulnérabilité. Mais au niveau de RECAPEV, quelles actions menez-vous pour réduire considérablement cette vulnérabilité ?

Bienvenu Gazalima : Aujourd’hui, nous avons un problème du personnel de santé qualifié. Ceux qui s’occupent des questions du VIH-Sida, sont introuvables dans les formations sanitaires. Mais s’il y a un de ses pairs qui maitrise la maladie, qui maitrise l’accompagnement psychosocial, il va beaucoup aider. Donc, notre solution pour réduire cette vulnérabilité est de former des patients experts.

Le VIH est une maladie chronique c’est pourquoi ceux qui vivent avec le VIH sont vulnérable face à la Covid-19. Si on fait bien les calculs, la majorité de ceux qui sont infectés par la covid-19 sont des porteurs du VIH-Sida.  Nous devons mettre un accent sur le VIH –Sida tout en intégrant la Covid-19. Retenons que ma politique à la tête du RECAPEV est de fondre les patients pour qu’ils deviennent des patients experts.

RJDH : Justement selon le ministère de la santé, la majorité des personnes décédées de la Covid-19 sont malheureusement des PVVIH. Elles sont  au moins 11% des 62 décès. Cela justifie-t-elle la gravité et le poids de cette pandémie sur les porteurs du VIH-Sida ?

Bienvenu Gazalima : Là je confirme à 100%. Mais si vous faites un tour à l’hôpital communautaire, la majorité des patients du VIH-Sida sont des patients grabataires. Cela pose un problème pour la prise en charge, pourquoi ça ? C’est inadmissible aujourd’hui. Un patient qui est mis sous traitement Antirétroviraux (ARV) doit avoir un succès thérapeutique. Mais s’il rentre à l’hôpital ce qu’il y a un problème, un problème de prise en charge. La majorité des patients vivant avec le VIH-Sida commence à avoir un cancer du col de l’utérus, là c’est un problème pour la prise en charge de nos patients en Centrafrique.  La vulnérabilité des PVVIH devient parlante en cette période de la Covid-19.

Nous exhortons le ministère de la santé et nos partenaires à tourner un regard particulier vers le PVVIH parce qu’ils sont encore plus vulnérables avec la Covid-19.

RJDH : Mais que faut-il faire pour barrer la route à la coïnfection VIH-Covid-19 ?

Bienvenu Gazalima : C’est de prendre en compte les infections opportunistes. Maintenant dans toutes les formations sanitaires, il y a la disponibilité des ARV et un manque des traitements contre les infections opportunistes. Les ARV ne traitent pas les infections opportunistes. Il y’a des médicaments pour cela. Dans les centres de prise en charge, il y a zéro traitement contre les infections opportunistes.

RJDH : Vous parlez des infections opportunistes, citez-nous quelques exemples

Bienvenu Gazalima : Je parle du cancer du col de l’utérus. Cela provoque la mort de la majorité des PVVIH. Nous venons d’enterrer une patiente qui a un succès thérapeutiques mais qui est décédée du cancer de col de l’utérus. Le regard doit être tourné vers la qualité de la prise en charge des PVVIH et l’accompagnement psychosocial. Si un patient mis sous traitement ne maitrise pas les médicaments et la maladie, cela va être difficile pour lui de bien suivre les consignes. C’est pour  cela que je mets l’accent sur les patients eux-mêmes d’être des patients experts pour prendre le relai de la prise en charge.

RJDH : Les patients sous traitement ont-ils accès à tout moment à leur traitement ?

Bienvenu Gazalima : La prise en charge est à 50% parce que les ARV sont là. Grâce au gouvernement et au Fonds mondial, nous avons un traitement ARV de 3 mois disponible dans certains sites. Mais ce qui me prend au cœur c’est le traitement des infections opportunistes. Les ARV ne traitent pas les infections opportunistes qui sont entrain de ronger les PVVIH. Donc, 50% oui et 50% non à cause du manque de traitement des infections opportunistes.

RJDH : La stigmatisation reste un poids sur les PVVIH ?

Bienvenu Gazalima : La stigmatisation freine la lutte contre le VIH-Sida en ce moment en Centrafrique. Les patients fuient d’aller à l’hôpital parce que dans ces centres de santé, ils sont stigmatisés. C’est encore un défi pour la lutte contre le VIH-Sida. Nous venons de faire une enquête sur l’index de la stigmatisation. L’index montre que 85% de la stigmatisation c’est dans les formations sanitaires sans oublier la stigmatisation au sein de la communauté. Nous devons accepter les PVVIH au sein de la communauté, ceci est un moyen efficace contre le VIH-Sida.

RJDH : Monsieur le coordonnateur, votre réseau dispose-t-il des moyens nécessaires pour coordonner la réponse au VIH-Sida

Bienvenu Gazalima : Non notre réseau vit grâce aux partenaires comme l’ONUSIDA qui nous donne une main forte. Nous n’avons même pas un véhicule de coordination de la lutte. Aujourd’hui, je coordonne les 16 préfectures de la Centrafrique grâce aux partenaires. J’ai effectué récemment une visite à Obo et à Bambari c’est grâce à l’appui de l’ONUSIDA. Après plusieurs décennies, le RECAPEV  n’a pas mis pied à Obo. Or il y a un sérieux problème à Obo. Un patient sous traitement ne maitrise pas ce qu’on appelle adhérant thérapeutique et comment vivre avec le VIH. Notre réseau vit comme un orphelin alors que le RECAPEV dépend de la nation Centrafricaine. Le réseau est abandonné. Comment irons-nous sur le terrain pour coordonner la lutte ? C’est le cri de cœur des PVVIH.

RJDH : Bienvenu Gazalima  le RJDH vous remercie

Bienvenu Gazalima : C’est à moi de vous remercier.

Interview réalisée par Fridolin Ngoulou

 

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