BOZOUM, le 18 Septembre 2021(RJDH)---Bozoum, chef-lieu de l’Ouham-Pendé située à 387 km de Bangui au Nord-Ouest de la République centrafricaine, accue
BOZOUM, le 18 Septembre 2021(RJDH)—Bozoum, chef-lieu de l’Ouham-Pendé située à 387 km de Bangui au Nord-Ouest de la République centrafricaine, accueille un nouveau chantier minier à environ 5 km de la ville. Les activités minières sont beaucoup pratiquées presque par la majorité de la population de la ville et ses environs au détriment d’autres activités notamment agricole, éducative et bien d’autres.
Le relief qu’offre cette zone attire les acteurs miniers, « c’est l’aspect du relief qui m’a attiré sur ce terrain accidenté qui ressemble à une terre foisonnée d’or », confirme le chef du site minier Zéphirin Toulay qui est un artisan minier de longue date tout en mettant l’accès sur difficile de ce site minier.
Le terrain est rocailleux et la boue s’étend sur une longue distance à la suite des intempéries de juillet et août derniers. La traversée des deux bras du cours d’eau Koyalé est indispensable selon le constat fait par les artisans miniers.
Des hommes, des femmes et des enfants sont presque visibles sur le chantier minier
Le chantier rassemble plusieurs catégories de la population venue de différentes localités, parmi laquelle on note la présence des hommes, des femmes et aussi des enfants, qui s’activent dans la recherche des mines d’or.
« Il y a d’abord ceux qui creusent la terre, d’autres cassent des pierres, certains transforment les rochers en morceaux de pierre qui vont ensuite être transportés dans des sacs par des femmes et enfants vers le site de « lavage ». Puis ceux qui sont assis sur une nappe de pierre pilent, réduisant en poudre les morceaux de pierres. Vous voyez des groupes de femmes dont le travail consiste à passer des heures dans l’eau pour laver les graviers et extraire l’or », explique Jean Baudoin un jeune homme d’environ 32 ans interrogé sur les lieux.
Comme beaucoup de travailleurs courageux qui exercent cette activité, c’est le moyen pour faire face aux difficultés, « c’est la galère qui m’a amené ici. Je suis cultivateur et ce n’est pas quotidiennement que je vends mes produits de culture. Ici, je peux rentrer avec 2000 FCFA ou plus par jour », a lâché Chanel Yalibanda un artisan minier.
La présence des femmes enceintes et allaitantes est significative. Elles n’ont pas de choix face aux conditions de vie extrêmement pénibles. Ces femmes reconnaissent la dureté du travail qu’elles font mais évoquent leur vécu quotidien en sango langue locale, « I yeke kwi na amolenge na yanga da » et en français « nous allons mourir avec les enfants à la maison », c’est un témoignage de Suzanne Madi, assise avec un bébé de dix mois entre ses mains.
Le cas des enfants en âge scolaire sur le site interpelle. Ils sont une centaine voire plus, à abandonner le chemin de l’école au profit des activités minières. Chris Alfa, âgé de 12 ans, devrait normalement être en classe de CE2 à l’Ecole préfectorale de Bozoum, mais hélas, se retrouve sur le site minier,
« pour chercher ma nourriture. Les années précédentes, j’ai passé mes vacances aux champs mais cette année ma mère a décidé autrement parce que selon elle, c’est mieux sur le chantier minier », témoigne ce dernier.
Situation identique à celle de Rita Kafui, environ 15 ans et en classe de CM1 à l’Ecole préfectorale. Elle vient sur le chantier afin de chercher l’argent pour se prendre en charge.
Eugénie Boukara, 18 ans, devrait être sur les bancs du lycée Sœur Hyacinthe de Bozoum plutôt qu’ici. « Je viens d’accoucher. Je n’ai pas d’autre choix que de trouver des moyens pour vivre. Le papa de mon enfant n’est pas avec moi », explique cette jeune maman d’une fillette de deux mois.
Les responsables du fondamental 1 déplorent le taux élevé de la déperdition scolaire dans la ville.
« Les enfants qui sont habitués aux activités fructueuses abandonnent le chemin de l’école. Pour les jeunes qui reviennent après le travail, on note une forte baisse de niveau. Les conséquences sont visibles, l’on voit des jeunes sur les sites qui s’adonnent à la consommation de l’alcool, des drogues et d’autres produits stupéfiants », regrette le chef du secteur scolaire de Bozoum.
A ce fléau, s’ajoute la question sanitaire sur les sites miniers. Selon le constat, les conditions de vie sont pénibles dans les chantiers, il y a l’absence de points d’eau potable. Les artisans miniers consomment de l’eau de la rivière Ouham, la même qu’ils utilisent pour tamiser les graviers et extraire l’or.
Le district sanitaire de Bozoum-Bossemptélé souligne que des graves problèmes de santé se poseraient à la population après la consommation des eaux souillées. Paul Ngaye, responsable de la communication confirme en ces termes : « de nombreux cas de maladie de peau, de parasitoses, de maux de ventre sont signalés à l’hôpital en provenance des chantiers miniers ».
L’Unité spéciale antifraude (USAF), appelée communément Brigade minière, dit n’avoir pas encore eu connaissance de ce nouveau site minier dont le travail se fait manuellement.
Le travail des champs en danger
La multiplication de ces chantiers miniers a une autre conséquence sur d’autres secteurs. La population laborieuse de Bozoum abandonne depuis quelques années le chemin des plantations pour aller à la recherche de l’or. Les cultivateurs ont troqué les houes et machettes contre des pelles, pioches, marteaux et cuvettes. Pour illustration, les groupements qui ont remporté les trois dernières éditions de la foire agricole de Bozoum sont des groupements de Bocaranga et Ngaoundaye. Et la foire de janvier 2022 en préparation pourrait bien confirmer cette tendance.
La conséquence directe du ralentissement du travail dans les plantations est la diminution des denrées agricoles. Ces produits de culture deviennent rares et leurs prix flambent au marché de Bozoum. Une cuvette de manioc qui coûtait 1 000 FCFA soit 1,5 Euro se vend aujourd’hui à 2 000 FCFA soit plus de 3 Euro.
Dans un passé récent, des mines ont été exploitées d’une manière anarchique par des sociétés minières chinoises. Ladite exploitation a réellement impacté sur la santé et l’environnement à Bozoum. La population s’était plainte. En réponse, l’Assemblée Nationale a diligenté une enquête parlementaire en juin 2019 et qui a abouti à la cessation de l’exploitation.
Les trous laissés par les artisans miniers représentent un danger pour le bétail, les terres exploitées ne sont plus utilisables pour la culture maraichère.
L’Unité Spéciale Antifraude (USAF) et les autorités locales et administratives ont la mission d’être plus attentives sur les exploitations artisanales anarchiques sur le long de la rivière Ouham. Ces activités deviennent des sources de nombreux maux, le travail d’enfant de moins de 10 ans, la dégradation de la faune et de la flore ainsi que l’environnement. Elles provoquent la malnutrition, car des bébés élevés sur les sites miniers échappent aux vaccinations de routine, aux soins habituels et ne bénéficient d’une alimentation suffisante en qualité et en quantité.
Cycy Kourandhaut/Judicaël Yongo
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