Centrafrique : De nombreux incidents de protection documentés par les équipes du HCR début de la crise électorale en 2020

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Centrafrique : De nombreux incidents de protection documentés par les équipes du HCR début de la crise électorale en 2020

BANGUI, le 23 mars 2021(RJDH)—-La situation de protection selon le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les Réfugiés en Centrafrique s’est dégradée en raison de l’activisme accru des groupes armés et des affrontements entre groupes armés et les FACA appuyées par les forces bilatérales. C’est le résumé du rapport de monitoring de protection de cette agence pendant cette période crise électorale du 16 janvier au 28 février 2021.

Les rapports d’incidents régulièrement reçus par le HCR dans le cadre du monitoring de protection indiquent que de nombreuses violations de droits humains continuent d’être commises au sein des communautés et des foyers.

Au cours de cette période de rapportage, les équipes du HCR ont documenté diverses violations du droit à la vie et à l’intégrité physique (y compris des homicides) et cas de violence basée sur le genre (VBG) résultant de disputes conjugales, communautaires ou encore d’accusations de sorcellerie. Plusieurs incidents ont ainsi été rapportés par les relais communautaires d’Alindao et de Carnot. De même, plusieurs cas de viols commis par des membres connus de la communauté ont été signalés dans la région de Paoua.

« Cette tendance lourde caractérise l’environnement de protection dans la plupart des préfectures de la RCA. Par ailleurs, les opérations militaires lancées depuis mi-janvier par les FACA et leurs alliés ont directement impacté la population civile. En plus des importants mouvements de population préventifs observés à l’approche des affrontements entre FACA et alliés et groupes armés, plusieurs signalements reçus par le HCR indiquent que les civils ont également subi de nombreuses pertes humaines et matérielles en raison des affrontements », précise le rapport.

Les relais communautaires du HCR et de ses partenaires ont notamment comptabilisé 13 maisons incendiées et au moins 4 blessés dont 2 enfants de 10 et 11 ans à la suite des affrontements de Grimari. De même, les rapports reçus indiquent aussi qu’au moins 1 mort, 10 blessés (6 hommes, 2 femmes et 2 enfants) et 39 huttes incendiées seraient imputables aux deux explosions qui ont touché le site Elevage de Bambari le 16 février 2021.

Dans le document, le HCR a observé une augmentation du nombre de cas de VBG directement liés au conflit armé dans certaines zones. D’après les rapports reçu, 95% des viols documentés depuis le début de la crise par le Bureau de Bouar ont été commis par des éléments armés, les statistiques de l’année 2020 révèlent que la grande majorité des incidents VBG documentés dans la Nana-Mambéré.

Les rapports reçus indiquent par ailleurs que plusieurs jeunes filles et femmes allaitantes figurent parmi les survivantes qui ont pu bénéficier d’une prise en charge. De même, le bureau HCR de Paoua a signalé de nombreux cas de viols commis par des éléments SRI sur l’axe sud de Paoua à l’encontre de femmes et jeunes filles se déplaçant en brousse pour aller chercher de l’eau ou pour leurs activités champêtres. Ces violations sont presque exclusivement commises par des groupes armés. A titre d’illustration, 95% des violations du droit à la propriété documentée au cours de la troisième semaine du mois de février 2021 dans la zone de couverture du Bureau HCR de Kaga-Bandoro ont été attribuées à des éléments armés, dont 76% à des éléments GSA.

A travers le pays, les groupes armés ont collecté des taxes illégales au niveau des barrières illégales, dans les sites miniers et même auprès des commerçants dans les quartiers. A Bambari, par exemple, les propriétaires de maisons et de véhicules ont été contraints par les groupes armés de payer des impôts s’élevant jusqu’à 5 millions de F CFA. Plusieurs exécutions de civils refusant de payer ces impôts exigés par les groupes armés ont, par ailleurs, été rapportées. Ainsi, deux commerçants ont été abattus au niveau d’une barrière illégale installée à Nassole (à environ 50km de Berbérati) et un jeune de 22 ans a été tué par balle par des éléments SRI sur l’axe Bozoum-Bangui.

Il convient de noter que certains éléments armés, mis en déroute à la suite de la reconquête des villes par les FACA et leurs alliés, pillent les villages sous la menace de leurs armes, comme cela a été constaté dans le village de Deba dans la région de Bouar et sur les axes Ouadda, Irabanda et Yalinga dans la Haute-Kotto. Plusieurs occupations illégales d’habitations ont également été imputées aux groupes armés, notamment à Bambari dans les quartiers Adji, Bornou, Elevage et Lapago.

De nombreux incidents rapportés depuis mi-janvier 2021 démontrent que les violations du caractère civil et humanitaire des sites de déplacés continuent de constituer un sérieux risque pour la protection des déplacés dans plusieurs localités du pays concentrant d’importants sites de déplacés. En amont de l’offensive lancée par la coalition de groupes armés, celle-ci avait notamment procédé à des recrutements d’hommes au sein de la population civile et des sites de Bria.

En raison des combats avec les forces de défense, ces groupes armés ont déploré de nombreuses pertes humaines dans leur rang. Cependant, de nombreux déplacés du site PK3 de Bria, ont rapporté avoir reçu une interdiction formelle de la part d’un chef GBK de faire leur deuil et d’organiser des veillées mortuaires en mémoire des disparus. Des patrouilles auraient par ailleurs été mises en place afin de veiller au respect de cette consigne par les PDI. De même, il convient de noter que quelques PDI des sites Lazare et MINUSCA de Kaga-Bandoro ont signalé avoir subi des menaces de mort proférées par des éléments GSA et que plusieurs femmes et enfants PDI du site Bouca de Batangafo ont été exposés à des menaces d’enlèvements de la part d’éléments GBK de retour des zones de combat.

Les nombreux cas d’exactions documentés expliquent que la population civile vive dans un climat de peur caractérisé par l’intensification des pressions exercées par les groupes armés. Ainsi, dans le courant du mois de janvier, plusieurs jeunes hommes habitant à Ngakobo ont fait face au recrutement forcé des GSAU qui ont accusé de lourdes pertes humaines dans leurs rangs. A Bria notamment, le retour des groupes armés a également entrainé une dégradation de l’environnement sécuritaire et de nombreuses violations de droits humains ont été enregistrées. Plusieurs rapports reçus par le HCR ont, en effet, fait état de menaces de mort, d’enlèvements, de détention illégale et de cas de tortures exercés par des hommes en armes. Par ailleurs, depuis la reprise de certaines localités, la fouille de plusieurs quartiers résidentiels a notamment été rapportée à Bambari et quelques cas d’arrestation d’individus musulmans y ont été signalés. De même, l’infiltration des éléments armés habillés en civils dans les quartiers résidentiels de Bouar constitue un risque supplémentaire pour les civils qui pourraient être suspectés d’association avec les groupes armés. De plus, de nombreux incidents de protection liés à la transhumance ont continué d’être signalés dans les préfectures limitrophes du Tchad.

En effet, plusieurs homicides et d’enlèvements impliquant des transhumants armés ont été rapportés, notamment dans les villages Gomango (axe Kaga-Bandoro – Dékoa) et Fondo (axe Dékoa – Sibut). De même, le HCR a reçu plusieurs rapports indiquant une recrudescence des viols commis en brousse par des transhumants armés sur l’axe Nord de Paoua, plus particulièrement à Bedam et à Ngaoundaye.

L’analyse des incidents de protection documentés indique que l’ensemble de la population est durement impacté par cette dégradation de l’environnement de protection et que le niveau de vulnérabilité des communautés hôtes est souvent équivalent à celui des personnes déplacées. Ce constat est surtout vrai sur les axes où la population est particulièrement vulnérable et n’a souvent pas la capacité d’absorber les afflux massifs de déplacés qui fuient les affrontements.

Judicaël Yongo.

RJDH

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